Après le réquisitoire du président de la Cour suprême dressé contre les magistrats, c’est au tour du ministre de la Justice de sonner certains juges d’arrêter certaines pratiques aux conséquences lourdes. En effet, au Togo, certains présidents des Cours d’appel et des tribunaux de première instance signent des ordonnances à pied de requête portant cessation de travaux, ouverture de porte ou même expulsion contre des personnes non dénommées laissant le soin au requérant de déterminer son ou ses adversaires ou les immeubles objets du litige en cours. Dans une note circulaire en date du 14 octobre 2021, Pius Agbetomey, demande à ces juges d’arrêter cette « dérive » qui créée « le désarroi chez les acquéreurs de terrain.
En effet, selon le ministre de la Justice, cette situation engendre des conséquences telles : des mentions « cessation de travaux » ou expulsion » sont portées sont portées sur des immeubles habités depuis des décennies ou immatriculés, il n’est entrepris aucun acte de construction ; des portails de clôtures sont arrachés et parfois des pans de clôture démolis, même sur des immeubles immatriculés ; les bénéficiaires desdites ordonnances modifient les plans des immeubles revendiqués à leur guise en y incluant tel immeuble de leur choix ou parfois substituent au plan présenté au soutien de leur requête un plan relatif à un autre immeuble.
Pour le ministre de la Justice, «ces dérives qui prennent de plus en plus de l’ampleur créent le désarroi chez les acquéreurs de terrain ». Pour corriger le tir, il demande aux présidents des Cours d’appel et des tribunaux de première instance avant toute signature d’une ordonnance portant cessation de travaux ou ouverture de porte de procéder autrement. En effet, les juges doivent désormais procéder à une enquête sommaire consistant à une vérification des allégations sur les lieux, ce aux frais du requérant de l’ordonnance ou exiger un constat fait par un huissier de justice autre que l’huissier initiateur de la requête. « Un terrain nu ou clôturé portant mention d’un numéro de titre foncier objet de litige ne peut faire l’objet que d’une procédure contradictoire », a rappelé Pius Agbetomey.
En moyenne quatre-vingt pour cent (80%) des litiges, pendant devant les cours et tribunaux au Togo, sont fonciers, selon le rapport de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation (CVJR). Ces conflits naissent des ventes illicites, de la spéculation foncière, de la contestation des réserves, de l’appropriation par les tierces personnes, de la dépossession, de la pluralité de titres de propriété pour une même parcelle, etc, avec pour conséquences l’effritement de la cohésion sociale conduisant parfois aux affrontements violents. Alors qu’ils doivent chercher à résoudre le problème, bon nombre de magistrats véreux en profitent pour se remplir les proches avec des pratiques malsaines.
Début septembre, le président de la Cour Suprême, Abdoulaye Yaya avait déjà donné l’alerte. « Il n’y a pas de jours où ne défraient des scandales des affaires foncières impliquant des magistrats, avocats, huissiers, officiers de police judiciaire, des officiers supérieurs, voire des autorités civiles, lesquels n’hésitent pas à s’approprier des terrains au détriment des pauvres justiciables », a déclaré le Président de la Cour Suprême. Et d’enfoncer le clou en expliquant que « ils (les magistrats véreux) n’hésitent pas à inciter les mauvais perdants à initier des procédures de tierce-opposition contre des décisions définitives pour reprendre la procédure. Certains magistrats n’hésitent même pas à ordonner des transports des jours non ouvrables et à trancher des affaires en cabinet ».
Depuis plusieurs années, les faits susmentionnés ont contribué à créer une méfiance évidente de la population envers la justice ternie par de nombreux scandales. Les problèmes identifiés, il faut passer rapidement à l’action pour corriger la situation avant qu’elle ne pourrisse complétement. Cette action ne saurait se limiter à des communiqués et des réquisitoires qui certes lèvent le voile sur les pratiques en vogue dans le milieu mais ne résolvent pas le problème.
Journal Fraternité